La fois où un guide nous a offert gratuitement ses services à Jatiluwih
Iconiques du paysage culturel de Bali, les rizières en terrasses de Jatiluwih figuraient sur ma liste d’incontournables à visiter.
Inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2012, elles ont su être préservées du tourisme de masse, les rendant d’autant plus attrayantes à nos yeux.
Même leur nom, Jatiluwih, dérivé de jaton (amulette) et luwih (magnifique ou bonheur), laisse sous-entendre que le lieu a quelque chose de spectaculaire.
Et comme nous avions élu domicile à Munduk pour quelques jours, raison de plus pour en profiter.
Petite leçon d’histoire
Ce qui rend les rizières balinaises fascinantes, ce n’est pas seulement leur beauté, mais aussi une tradition qui les caractérise depuis des siècles : les subak, unsystème d’irrigation ancestral ancré dans la communauté locale.
En gros, les subak sont des associations villageoises d’agriculteurs qui gèrent l’irrigation des rizières. Elles s’assurent de synchroniser les récoltes et les inondations, afin de répartir l’eau équitablement, selon les besoins de chacun.

La visite guidée imprévue
Il est à peine 8h30 quand nos pieds foulent les petits sentiers de ce domaine millénaire.
Nos yeux peinent à croire comment ces rizières savamment sculptées s’étendent sur plus de 600 hectares, soit l’équivalent d’environ 840 terrains de football américains.
On prend un réel plaisir à se balader à dans cet amphithéâtre cascadant en vagues d’émeraude, émerveillés devant tant de savoir-faire culturel.

On arrive devant un panneau cartographiant le site.
— T’as envie d’emprunter quel chemin ?
Julien hausse les épaules :
— Je n’ai pas trop de préférence, décide.
Songeuse, j’étudie la carte. Je n’ai pas le temps de trancher, qu’une silhouette apparaît dans ma vision périphérique.
Je lève la tête avant de laisser échapper un couinement :
— Ooooh, mais qu’est-ce que tu fais ici, toi ?
Un gentil cabot me renifle prudemment les chevilles. Je me baisse pour le caresser, attendrie. Il semble ravi qu’on lui accorde un peu d’attention.
Après une dizaine de minutes à le chouchouter, je me résous à poursuivre notre promenade.




À peine quelques mètres plus loin, je ressens toujours une présence dans mon dos.
— Marie, regarde !
Le chien s’était mis à marcher derrière nous. La queue bien droite, les oreilles ballantes, il nous dépasse et prend la tête.
On s’arrête pour l’observer. Lorsqu’il se rend compte qu’on ne lui a pas emboité le pas, il s’arrête à son tour, attendant patiemment.
On avance, il repart.
On freine, il ne bouge plus d’un poil.
Ce manège s’est répété quelques fois et à tout coup, le chien calque nos mouvements.
À croire qu’il voulait nous dire allez les copains, suivez-moi, je vous guide.



On a passé toute l’avant-midi à le suivre, incroyablement charmés par sa fidélité et son instinct de guide improvisé.
À la fin de notre randonnée, impossible de s’en défaire : ce doux toutou ne voulait plus nous quitter.
Alors qu’on s’accorde une pause, confortablement assis sur une balustrade surplombant les rizières, il se blottit contre mes jambes.
Les touristes, plus nombreux à cette heure-là, ralentissent à notre hauteur, trouvant la scène particulièrement craquante.
— Si vous le flattez un peu, il va vous suivre, dis-je à un groupe de filles.
Ravie de l’entendre, elles s’approchent et tentent de l’attirer, en vain. Le chien se détourne, ne démontrant aucun intérêt.
— Il vous a choisis, je pense que c’est votre chien, maintenant, blague l’une d’elle en nous saluant.
Je baisse les yeux vers l’animal qui me regarde amoureusement.
— Je vais t’appeler Munduk. Oui, Munduk, ça te va bien, dis-je en soupirant, essayant de repousser le moment du départ.
— J’aurais tellement le goût de le ramener avec nous, plaide Julien, peiné.
Je lui adresse un petit sourire de vainqueur. Avant qu’on quitte le Québec, je ne cessais de blaguer qu’on finirait bien par sauver un animal et le ramener à la maison. À chaque fois, Julien roulait des yeux, l’air exaspéré.
— Allez, on y va avant que je ne change d’idée, déclare-t-il en se relevant, devinant parfaitement ce qui me passe par la tête.
On ramasse nos sacs et on jette un dernier regard… au moment précis où Munduk se lèche vigoureusement l’entre-jambe.
Les adieux ont pris une tournure un peu moins déchirante que prévu.
