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Singapour vs Kuala Lumpur : nos impressions

Kuala Lumpur et Singapour : 2 métropoles vibrantes de l’Asie du Sud-Est, séparées par moins de 350 km.

2 métropoles dont je ne connaissais pas grand-chose, pour être bien honnête.

Mais après avoir passé 3 jours dans chacune de celles-ci, je comprends mieux pourquoi beaucoup aiment les comparer.

Moi, je les vois plutôt comme deux sœurs qui prétendent ne pas appartenir à la même famille. Elles partagent énormément de points communs, mais affichent fièrement leurs personnalités radicalement différentes.

Nos toutes premières impressions 

Notre arrivée à Singapour fut mémorable.

Après une fin de semaine chaotique en bateau, on débarque beaucoup trop sale dans une ville beaucoup trop propre.

Tout est ordonné, tout est moderne. Et pour la première fois depuis longtemps, tout est… un peu trop facile.

Marcher sur des trottoirs vierges de trous béants ? Naviguer un système de transport en commun clair et efficace, qui accepte les cartes de crédits ? Des automobilistes qui respectent le code de la route ?

Méchant contraste avec l’Indonésie, quand même. En regardant la ville défiler à travers la vitre du bus qui nous mène à notre auberge, je comprends immédiatement l’attrait.

Temples chinois, hindous et mosquées, ruelles coloniales remplies de shophouse multicolores, gratte-ciels modernes jouxtant de luxueux centres commerciaux : tout ça cohabite avec un naturel déconcertant, rendant Singapour incontestablement unique.

Et notre arrivée à Kuala Lumpur, elle ?

Un tantinet différent.

On attrape un autobus depuis Johor Bahru, à quelques kilomètres de la frontière de Singapour (conseil d’amie: c’est beaucoup moins cher que de partir depuis Singapour).

En approchant du terminus, je commence à regarder fébrilement par la fenêtre. Arriver dans une nouvelle ville, c’est toujours mon moment favori des voyages. Mais là…

— Julien… C’est de la fumée, là-bas ?

Un nuage épais, noir et visqueux entache le ciel.

Je lance une rapide recherche Google : incendie de pipeline de gaz, chose bien fréquente ici.

Ah. Charmant.

Cette fois-ci, pour la dernière ligne droite, on se commande un taxi : seulement 20 mins et moins de 5 dollars pour arriver à l’hôtel ? Let’s go.

Parce qu’entre ça et rallonger notre trajet de 1h30 en s’entêtant avec les transports en commun, on choisit nos combats. Aujourd’hui, c’est le confort qui gagne. J’assume pleinement que je ne suis plus la voyageuse de 22 ans qui tenait mordicus à économiser chaque dollar.

Notre hébergement se trouvant sur une rue piétonne, la chauffeuse nous dépose dans un stationnement voisin, de l’autre côté d’une ruelle.

On s’engage, sacs sur le dos, dans l’étroit passage. Zigzaguant entre sceaux de poissons remplis à ras bord, bacs débordants de légumes frais et plans de travail où des hommes en sueur s’affairent à trancher de larges pièces de viande.

Ça empeste une odeur rance de chair crue, de sang et de charbon. Je comprends rapidement qu’on se retrouve en coulisses d’un restaurant. Je baisse les yeux : un rat bien dodu me file sur le pied.

Je réprime un frisson de dégoût. Les rats savent toujours où se trouve la bonne bouffe.

On débouche enfin sur Jalan Petaling, le quartier général des backpacker, pile au moment où les marchands installent leurs étals pour le marché de nuit.

C’est étourdissant : échoppes de souvenirs, articles de contrefaçon, brochettes fumantes… La myriade de couleurs, d’odeurs et de bruits annonce déjà une soirée bien animée.

Des racines communes évidentes

Il n’y a pas si longtemps, Singapour faisait partie Fédération de la Malaisie, formée en 1963. Mais dès 1965, après des tensions politiques et raciales, l’état a été expulsé de la Fédération et a déclaré son indépendance.

Normal, donc, qu’on retrouve des parallèles les deux pays.

Autant à Singapour qu’à Kuala Lumpur, on baigne quotidiennement dans plusieurs langues : malais, mandarin, tamil, hokkien, cantonais… et anglais. Parfois même un mélange de tout ça dans une même phrase.

Par exemple, pour commander un café glacé au lait sans sucre à Singapour, suffit de dire :

Kopi-c-konsong-peng, please

Kopi : malay pour café

C : hainanais pour lait frais, référence au lait évaporé Carnation

Kosong : malay pour sans sucre

Peng : hokkien pour glacé

Please : un peu d’anglais pour couronner le tout

Ben oui. Simple comme bonjour.

La loi 101 virerait su’l top.

Dans les deux villes, l’héritage peranakan — ces communautés issues des premiers immigrants chinois arrivés au 14e siècle — est omniprésent.

Son architecture éponyme témoigne d’un métissage entre les styles chinois, européen et malais. Résultat : des shophouses aux façades pastel, ornées de tuiles majoliques fleuries et portes sculptée de délicats motifs en bois.

Un paradis culinaire à découvrir

Et côté gastronomie – n’en déplaise les guerres de clocher entre la Malaisie et Singapour – la nourriture est très similaire d’une part et d’autre de la frontière.

Les fondations sont les mêmes : un délicieux mélange d’influences chinoises, malaises, indiennes et nonya (peranakan), reflet d’une richesse culturelle partagée par les deux pays.

Mais là où ça se distingue, c’est dans ce qu’on y rajoute. À Kuala Lumpur, l’offre met l’accent sur la cuisine locale et les saveurs régionales typiquement sud-est asiatiques, notamment thaïlandaises et indonésiennes.

Un kioske de grillades à la thaï à Kuala Lumpur
Un Nasi kandar, plat malais aux influences tamil

À Singapour, en revanche, l’influence occidentale est beaucoup plus marquée. On peut aussi bien déguster un chicken-rice préparé par une auntie grognonne… que dévorer une poutine dans un pub huppé.

Québec libre, big !

Et que dire l’effervescente culture des hawker centers, qui à elle seule vaudrait son propre billet de blog ?

On en retrouve aussi à Kuala Lumpur ; mais Singapour, ces aires de restauration pullulent chaque coin de rue. Sans exagération.

Encore une fois, on relève des similitudes : l’ambiance décontractée, la nourriture fraîche, délicieuse et bon marché.

Mais le plus frappant des hawker centers de Singapour, ce n’est pas la propreté impeccable, ni la quantité de robes haute-couture au pied carré… c’est de voir les gens réserver leur place en déposant un paquet de mouchoirs sur la table. Ou mieux encore : leur cellulaire.

La partie la plus wild, là-dedans ? Personne n’y touche.

Pratique typiquement Singaporienne de la « chope culture ». Crédit photo

Une culture bien différente, malgré tout

Parlant des hawker center, on y croise toute sorte de personnages.

Notre dernière soirée, faute de place, on se retrouve assis sur le muret tout près de la sortie. Un vieil homme qui termine son repas nous aperçoit et nous lance un regard de pitié avant de nous faire signe de venir à sa table.

On s’installe, gênés et reconnaissants, puis on commence à discuter nonchalamment. Il nous met vite en garde contre tous les règlements de Singapour :

— N’oubliez pas de rapporter vos cabarets quand vous finissez, hein… Sinon c’est une amande de 300 $ Et si tu fumes dans une zone interdite… c’est 1000$ !

Je le regarde avec des yeux ronds. Je n’imagine même pas les manifestations monstres si un politicien suggérait d’implémenter ça à Montréal.

Singapore is the fine city, ya! No joke! But keeps us citizen safe.

Sans transition, il enchaîne :

— Vous êtes ici pour combien de temps ?

On lui explique qu’on vient de passer trois jours mémorables en ville et que dès demain matin, on quitte pour la Malaisie.

Il grimace, secouant vivement la tête :

—  La Malaisie, hein ? Mmh… Faites attention, ya? Beaucoup de pickpocket là-bas, beaucoup d’arnaques, ce n’est pas sécuritaire… Ne sortez pas votre argent en public, ni vos cellulaires.

Dubitative, je prends le tout avec un grain de sel : à deux reprises, avec deux personnes différentes, on nous a chanté la même chanson. À la virgule près. On sent encore un clivage, une blessure qui peine à cicatriser entre ces deux nations.

Et sans réelle surprise… notre expérience n’aurait pas pu être plus à l’opposé de cette mise en garde.

Kuala Lumpur, chaleureuse et généreuse

Notre toute première journée à Kuala Lumour, alors qu’on se promène dans le quartier Little India, on s’arrête pour un café dans un petit kiosque au coin d’une rue.

Au moment de payer, Julien tend un billet au serveur, qui se contente de sourire :

— Le client devant vous a déjà réglé votre commande.

Pardon ? Et il s’est éclipsé comme ça, sans même qu’on puisse le remercier !

Quelques pas plus loin, on s’arrête devant un autre kioske, cette fois-ci pour goûter à des collations typiquement indiennes.

L’homme derrière le stand nous explique chaque plat, prend le temps de nous conseiller… et ajoute généreusement des bananes frites à notre commande :

— C’est mon best-seller, vous devez y goûter ! Cadeau de la maison. Allez faire un tour vers Brickfields, ça vaut la peine. Et bienvenue en Malaisie !

On est ressortis de ces échanges abasourdis, voire touchés par tant de générosité et de chaleur. Comme quoi, il vaut mieux se méfier des opinions douteuses des inconnus croisés dans les hawker centers.

Au fond, les vrais pickpockets dans l’histoire, c’était nous : deux Québécois qui se sont bourrés la fraise de délicieuses collations et de cafés glacés sur le bras d’autrui.

Alors, Kuala Lumpur ou Singapour ?

Je réponds à cette question par une contre-question : pourquoi choisir ?

Singapour, c’est la cosmopolite, la disciplinée : avec elle, tout est clair, tout a été prévu au quart de tour, tout est smooth. Pas de surprise, pas de perte de temps : tu sais où tu t’en vas.

Kuala Lumpur, c’est la petite rebelle, la désordonnée, la méli-mélo assumée : elle est impossible à suivre. Oui, elle va te faire râler. Oui, va falloir que tu l’apprivoises. Mais accueille-là l’esprit ouvert : je te promets que sous sa carapace grossière, c’est une artiste dans l’âme.

Pis une maudite belle artiste

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