|

La drôle de façon dont les Kiwi apprivoisent les espèces invasives

On a passé notre toute première journée sur le Southland à sillonner la côte Ouest, complètement obnubilés par sa beauté frappante.

À mesure que notre voiture avalait goulûment les kilomètres, la route tortueuse dévoilait des paysages sauvagement escarpés. Le temps maussade avait beau s’acharner, il n’arrivait pas à ternir l’immensité grandiose de la nature.


Sous un ciel de plus en plus menaçant, on arrive enfin à notre camping, un grand terrain vague déjà bien boueux.

Je balaie les lieux du regard, repérant les toilettes assez rapidement (et non pas des portaloo cette fois-ci, oh joie !)

« Je vais y aller, on se rejoint à la voiture et on prépare le souper ensuite ? »

« C’est bon », acquiesce Julien.

En sortant des toilettes, je vois Julien en train de joyeusement discuter avec une campeuse fort bien sympathique et incontestablement Kiwi.

(Parenthèse : oui, je parle bien des Néo-Zélandais. Imaginez des Canadiens anglais deux fois plus nonchalants, cinq fois plus sympathiques et qui ne prononcent pas leurs ‘’r’’)

Je les rejoins en souriant. Me saluant chaleureusement, la femme nous explique qu’elle campe avec sa famille pour les prochains jours.

« Mais c’est quoi l’animal qui court avec vos enfants ? Ce n’est pas un chien, ça… » demande Julien en pointant le terrain derrière elle.

« Ah, cette petite terreur ? C’est notre bébé cochon ! »

« Quoi ?! Mais non ! » Je m’attendais à tout, sauf à ça.

« On l’a trouvé dans la forêt et comme on l’a nourri, eh ben, il a commencé à nous suivre », nous répond-elle.

Dans ma tête : Ah… moins cute.

« On va le manger éventuellement ! Il s’appelle Bacon. »

Moi, toujours dans ma tête et tentant tant bien que mal de cacher ma mine effarée : non, plus cute pantoute.

Julien arbore un sourire crispé, ne sachant quoi répondre. « Non mais, ok, j’ai beau manger de la viande, je n’ai pas passé ma tendre enfance à jouer à la tag avec elle en l’appelant par son petit nom ! », m’avouera-t-il plus tard, pleinement conscient de sa dissonance cognitive.

Notre malaise passant sous silence, le mari de notre voisine arrive à son tour… avec Bacon sous les bras.

Il nous explique que Bacon est un Captain Cooker, soit un descendant direct des cochons sauvages relâchés par l’équipage du capitaine James Cook sur le Southland en 1769.

Un Captain Cooker. Crédit photo


« Faudrait pas qu’un agent du Département de la conservation se pointe le nez ici ce soir, hein ! » rigole-t-il, pas dérangé pour le moins du monde.

On se souhaite bonne soirée, et je ne peux m’empêcher de jeter un dernier regard vers Bacon, qui trottine joyeusement derrière les enfants en poussant de petits couinements stridents.

Sans mot, on retourne à la voiture pour préparer le souper sous la pluie, encore un peu sonnés de cette rencontre improbable.

« Sérieux… qu’est-ce qu’on vient de vivre ? » fait Julien, rompant le silence d’un rire nerveux.

On a pouffé de rire. Au fond, je crois que c’est cette honnêteté loufoque nous a fait tomber amoureux de ce petit bout du monde.

Articles similaires